Pour les amoureux de la littérature sud-américaine, ce bouquin est vraiment une incroyable référence.
Le confinement m’a permis de balayer une fois encore les 80 ans rassemblés dans cette somme emplie de littérature sud-américaine. L’idée ici est de compiler des textes classés par chronologie et thématiques (articles, analyses, notes de lecture mais aussi textes publiés de grands auteurs). Le procédé est très intéressant pour suivre l’évolution de cette littérature.
On débute le voyage par l’analyse de Valéry Larbaud en 1920 et on le referme sur une note consacrée à Sabato, Avant la fin, datant de 2000. On suit ceux qui au fur et à mesure sont devenus les grands, les commandeurs du boom que sont les Cortázar, Vargas Llosa, Garcia Marquez, Fuentes et les trop discrets Onetti et Donoso. Mais aussi les précurseurs, figures tutélaires comme Borges, Bioy, Quiroga…, ceux qui à leur suite ont renouvelé, régénéré cette littérature tels que Cabrear Infante, Ribeyro, Sabato, Mallea… Bien entendu, on oublie forcément certains de grande valeur. il nous est ici impossible de faire la liste exhaustive si ce n’est en recopiant l’index des auteurs…
L’occasion de retracer quasiment un siècle de littérature absolument fascinante qui aborde ce continent chahuté par les bouleversements voir politiques, sociétaux, intellectuels. Et c’est peut-être là que réside tout l’intérêt de ce bouquin : pouvoir balayer un siècle de foisonnement intense.
Pour paraphraser Cortázar qui s'amusait lui-même avec un autre titre, ce livre aurait pu être nommé : le tour d'un monde en 80 ans.
Aujourd’hui, cette lecture m’amène à une réflexion plus globale et une certitude qu’il serait peut-être aujourd’hui très difficile de produire un tel assemblage avec une telle qualité sur près de 750 pages. Il fut certes aisé pour Gallimard de rafler les belles signatures et une bonne partie du catalogue grâce l’impulsion de Roger Caillois, ardeur défenseur/découvreur de cette vaste littérature. Feuilletant encore le bouquin, la question se fait plus mordante, depuis quelques années, les éblouissements/étonnements/admirations se font plus rares (non que je me sois habitué – on ne sait jamais), les auteurs ne m’embarquent plus, les sujets deviennent assez anecdotiques, le style assez ordinaire. Si les pitches sont intéressants en 4e principalement aux métiers des éditeurs mais au bout de 100/150 pages laborieuses force est de constater que la littérature semble se normaliser, devenir neutre, s’affadir.
Bien entendu, ne faisons d’un cas particulier, d’un creux de boom, parfois ici ou là une lueur. Par exemple aux éditions Métailié dont j’aime énormément la ligne éditoriale et les risques pris sur certains auteurs. Il faut saluer le travail de l’équipe, même si parfois déçu par certains choix de titres récents aussi, je conserve une profonde reconnaissance pour les recueils de nouvelles (Histoires d’amour / histoires fantastiques d’Amérique latine, deux recueils que je lis et relis régulièrement ou encore les recueils de nouvelles de Cuba ou Brésil qui sont définitivement magnifiques. Une mine fabuleuse pour démarrer cette littérature). Il y a des nombreuses plus petites maisons qui éditent avec plus ou moins de réussite – il convient de le reconnaître – des auteurs inconnus, jeunes (la prometteuse Asphalte avec sa collection Noir, la collection Miniatures qui recueille de jeunes talents aux Edition Magellan & Cie ou encore L’Atinoir). Avec des très belles surprises pour des talents prometteurs qui deviendront à n’en pas douter les prochains auteurs remarquables.
Mais pour cela, rendez-vous en 2080 pour le prochain exemplaire de la NRF.